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SportQatar

CDM 2022 : les Barras Bravas argentins donnent de la voix

Matthew Ford
18 décembre 2022

Alors que l'Argentine s'apprête à disputer la finale, les joueurs peuvent compter sur le soutien des Barras Bravas, des fans particulièrement bruyants.

Les fans argentins lors de la rencontre face aux Pays-Bas
Les fans argentins sont de plus en plus nombreux à chaque matchImage : Ariel Schalit/AP/picture alliance

Lors de chaque rencontre de ce Mondial 2022, dont la demi-finale remportée face à la Croatie, Lionel Messi et ses coéquipiers ont pu entendre le même chant émanant des tribunes.

"En Argentina nací; tierra de Diego y Lionel!", entonnent les supporters argentins en agitant au-dessus de leur tête le maillot bleu et blanc de l'Albiceleste. "Né en Argentine, le pays de Diego et de Lionel", ce slogan résonnera à coup sûr lors de la finale dimanche.

L'Argentine appartient à Diego Maradona et Lionel Messi. Les deux joueurs sont devenus des demi-dieux pour les supporters argentins, au point que ces derniers arborent leur visage sur les drapeaux, bannières et t-shirts utilisés durant les matchs.

Les hommages à Maradona et Messi sont très nombreux en tribunesImage : Ariel Schalit/AP/picture alliance

Les Barras Bravas, les groupes de supporters argentins les plus fervents, sont au moins aussi importants que Maradona et Messi. Depuis cent ans, ces supporters sont responsables de l'ambiance survoltée qui caractérise le football argentin.

Lors de cette Coupe du monde, où les spectateurs ont parfois été plus tournés vers la consommation que le football, les Barras Bravas (trad : gangs de braves) se distinguent par leur ferveur.

Les Barras Bravas sont arrivés au Qatar

Avec des billets allant de 69 à 220 dollars pour la phase de groupe, de 205 à 425 dollars pour les quarts de finale, et coûtant plus de 605 dollars pour la finale, la Coupe du monde n'est généralement accessible qu'à la classe moyenne supérieure. Un groupe démographique qui n'est guère réputé pour sa ferveur, sauf lorsqu'il s'agit de supporter le Maroc.

Mais lors du quart de finale face aux Pays-Bas, l'atmosphère au sein du contingent argentin était bien différente de celle des premiers matchs. Des milliers de fans argentins se tenaient debout, sur leur siège, encourageant avec fanatisme leur équipe.

"Je ne peux pas vous l'expliquer parce que vous ne comprendrez pas", ont-ils chanté. "Combien d'années j'ai pleuré à cause des finales que nous avons perdues", revenant sur les douloureuses défaites contre l'Allemagne en finale de la Coupe du monde en 2014, et face au Chili en finale de la Copa America en 2015 et 2016.

Pour le quotidien argentin La Nación, il s'agit de l'aboutissement d'une évolution que le journal n'a cessé d'observer depuis le match d'ouverture de l'Argentine contre l'Arabie saoudite, où les supporters argentins originaires d'Inde et du sous-continent, dont beaucoup résident au Qatar, constituaient à l'origine une grande partie du soutien.

7.000 noms remis aux autorités qataries

Les Barras Bravas existent depuis les années 1920 mais sont, selon James Montague, auteur du livre 1312 : Among the Ultras paru en 2020, beaucoup plus "structurées et hiérarchisées" depuis la fin des années 1960, lorsque les clubs ont reconnu que "ce soutien passionné pouvait être exploité pour obtenir un avantage sur le terrain".

Interrogé par la DW, James Montague ajoute que "les gouvernements argentins sont même connus pour soutenir financièrement les principaux dirigeants des barras, de manière explicite ou plus clandestine, pour les faire venir aux Coupes du monde".

Ce n'est pas le cas cette année. Au contraire, selon La Nación, le ministère argentin de la Sécurité nationale a transmis aux autorités qataries une liste d'environ 7.000 membres de barras qui ne devaient pas recevoir de carte Hayya, la pièce d'identité obligatoire pour les supporters lors de la Coupe du monde.

De nombreux barras étant souvent synonymes, pour le grand public, de violence liée au football et de crime organisé, le ministre argentin de la Sécurité, Aníbal Fernández, serait l'architecte du programme "une Coupe du monde sans barras".

Néanmoins, les autorités argentines ne peuvent pas empêcher les supporters de voyager s'ils n'ont pas de casier judiciaire, et La Nación rapporte que des éléments de barras rattachés à plusieurs clubs argentins, dont Boca Juniors, Velez et Racing Club, sont présents au Qatar.

"Ils ont voyagé séparément et se réunissent les jours de match. La plupart d'entre eux sont logés à Barwa, un quartier de la banlieue de Doha, où les Argentins au budget réduit passent leur Coupe du monde”, peut-on lire dans les colonnes du quotidien argentin.

"Les gens vendent leur voiture ou leur frigo”

Pour James Montague, qui vient de passer deux semaines au Qatar, il n'est pas étonnant que les fans argentins soient plus nombreux à ce stade du tournoi. "Lorsqu'une équipe sud-américaine va loin dans une Coupe du monde, les supporters font d'énormes sacrifices et se déplacent en grand nombre pour les soutenir", explique-t-il à DW.

Même si le coût d'un tel voyage avantage la classe moyenne supérieure, cela ne signifie pas que les fans plus pauvres ou de la classe ouvrière ne trouvent pas de moyens de se rendre au Mondial. "Les gens vendent littéralement tout pour y aller. Ils vendent leur voiture. Ils vendent leur frigo”, affirme James Montague.

"Il y a une mentalité chez certains supporters d'Amérique du Sud qui veut que, si votre équipe va loin dans un tournoi, vous vous rendez sur place et vous vous occupez du reste plus tard. C'est un type de soutien unique."

Si les fans au torse nu sont nombreux en Europe et Amérique du Sud, ils sont rares au QatarImage : Francisco Seco/AP/picture alliance

Selon Ignacio Candia, directeur national de la sécurité des événements sportifs de la police fédérale argentine, qui était à Doha pendant toute la durée du tournoi et qui a été interrogé par le journal La Nación, les autorités qataries ont été particulièrement irritées par les supporters argentins qui ont retiré leur maillot pendant les matchs et se sont rassemblés derrière les buts, souvent sur des sièges qui ne leur appartenaient pas techniquement, avec leurs tambours et leurs drapeaux.

Peu importe, lors de la finale, les Barras Bravas seront de nouveau aux avant-postes. "Garçons, nous rêvons à nouveau", chanteront-ils à l'unisson. "Nous voulons la gagner une troisième fois, nous voulons être champions du monde. Diego, toi qui es au ciel, encourage Lionel."

Cet article, originellement paru en Anglais, a été traduit et édité par Sophie Serbini.